Chroniques

LA PLUME DU FAUCON

Vous trouverez ici plusieurs articles traitant principalement des tendances sociales reliées à la vie de couple. M. Leblanc est chroniqueur pour divers journaux et magazines et son style d’écriture a beaucoup fait parler de lui. Sujets chauds, saupoudrés d’humour, il aura bonne plume pour chacun des lecteurs.

CHRONIQUE
Devenir millionnaire...  OUI, ça change le monde ! (publiée le 3 août 2017)
«Ah..., si seulement je gagnais le million… »
      Voilà le rêve ultime véhiculé par les jeux de hasard.  Qui n’a pas imaginé tous les problèmes qu’il résoudrait d’un coup à l’aide d’une telle baguette magique?  On nous affirme même que: «Ça ne change pas le monde, mais…»  Or, rien n’est plus faux!
     En effet, s’il est permis de rêver, la réalité nous enseigne des leçons profitables.  Qu’est-il arrivé à ceux et celles qui ont un jour remporté le million $?
     On voit de temps à autre des reportages sur ce que sont devenus certains gagnants de gros lot.  Étonnamment, rapporte-t-on, la plupart ont connu un destin plutôt navrant, plusieurs millionnaires étant même revenus là où ils en étaient au moment de gagner.  C’est ainsi que certains ont gaspillé leur fortune ou l’ont engloutie dans un style de vie ou un projet qui les a ruinés. 
Le «rêve» devenu réalité.
     Il y a une dizaine d’années, appelons-la Ginette, remporte un lot de 3 millions $.  Elle travaillait alors au salaire minimum dans une cafétéria d’école de la région de Montréal.  Bien sûr, elle quitte son boulot: «Bye, Bye boss!»
     N’y connaissant rien à l’administration financière, Ginette fait heureusement affaire avec une conseillère professionnelle qui lui assure une belle existence en plaçant correctement ses gains.  La millionnaire se retrouve vite dans une résidence luxueuse (sans toutefois être au-dessus de ses moyens), avec auto de l’année et garde-robe dernier cri… La belle vie, quoi!
     Cependant, que fait Ginette de ses journées, elle qui était habituée à socialiser avec ses compagnes de travail?  Du coup, elle se retrouve déracinée de son milieu.  S’ennuyant dans sa demeure cossue, elle décide de retourner travailler à l’école, ne serait-ce qu’à temps partiel.  Toutefois, Ginette constate vite qu’elle ne fait plus partie de la gang, ses collègues ne comprenant pas pourquoi la millionnaire revient ainsi travailler dans des conditions modestes.  Certaines la jalousent même, lui en voulant presque d’être riche...  Bref: Ginette ne peut réintégrer son milieu naturel.
     Par contre, son statut de millionnaire lui donne accès à un tout autre milieu.  Elle est entre autres invitée à des banquets et soirées mondaines.  Elle rencontre des gens intéressants, notamment des représentants de bonnes oeuvres qui l’invitent à se joindre à eux.  Quelle aubaine pour Ginette qui a toujours rêvé d’aider son prochain.
     Hélas, la millionnaire finit par réaliser que là non plus, ce n’est pas «son monde».  Elle ne se sent jamais à l’aise parmi le «grand monde».  Malgré sa richesse, elle se sent toujours inférieure aux gens qu’elle fréquente à présent... 
     Déracinée de son milieu, elle ne se sent pas mieux dans sa nouvelle vie.  «Ça change pas le monde!», dit-on.  De fait, si gagner le million ne vous changera peut-être pas, ça risque fort de transformer au moins votre milieu.
Enfin, réaliser son rêve !
     Bon nombre de gagnants de gros lots de la loterie profitent de la chance qui s’offre à eux pour enfin réaliser leur rêve.  Certains quittent hardiment leur job pour entreprendre le projet dont ils rêvent depuis si longtemps, par exemple partir leur propre commerce ou entreprise (artisanat, auberge, restaurant, boutique d’art, etc.).  Or, réussir en affaires n’est pas une mince affaire.  On ne s’improvise pas entrepreneur et le nouveau millionnaire découvre vite que mettre sur pied une petite entreprise peut rapidement devenir un gouffre financier.  Voilà d’ailleurs pourquoi plusieurs reviennent à leur point de départ quelques années seulement après avoir remporté un gros lot.
     D’autres gagnants en profitent pour se payer la belle vie, pour réaliser le tour du monde ou s’acheter une propriété dans un pays chaud.  «Bye, Bye hiver!»  Ils mènent alors une existence de rêve, se prélassant au soleil et se payant la vie de château (ou plutôt de condo). 
     Cependant, de deux choses l’une.  Comme il est extrêmement facile de dépenser de l’argent, si le millionnaire ne fait pas attention, il risque fort de dilapider tout son avoir.  Si, par contre, il administre sensément sa petite fortune (en n’en dépensant que l’usufruit), il peut alors vivre longtemps une vie de millionnaire modeste...  Mais que fera-t-il de tout son temps?  S’il est sans doute agréable de se payer de belles et longues vacances, tôt ou tard lui viendra le goût de faire quelque chose de son temps.  C’est particulièrement le cas si le millionnaire n’a que 40 ou 50 ans.  Mais alors, ne risque-t-il pas de se retrouver dans une situation semblable à celle de Ginette, incapable de réintégrer son milieu naturel?
     Une troisième catégorie de gagnants désire profiter de leur fortune pour gâter leurs proches...  sans s’oublier eux-mêmes.  C’est le cas des millionnaires à la retraite ou au terme de leur vie.  Toutefois, ceux-ci risquent d’être confrontés à un problème délicat: les attentes de leurs proches.  Combien ont-ils l’intention de donner à chacun de leurs enfants? M ais, surtout, combien ceux-ci s’attendent-ils à recevoir?  Et que faire des autres membres de la famille (proche famille, belle-famille, etc.) ?  Et que faire des amis plus ou moins intimes?  Pour peu que le millionnaire gâte tout son monde, sa fortune aura vite fondu.
     Il est facile d’entrevoir les sérieux problèmes dans lesquels les gagnants de loterie sont confrontés face à leurs proches lorsqu’on songe à ce qui se passe à la suite du décès de quelqu’un qui laisse un certain héritage.  Qui n’a pas dans son entourage des histoires de familles déchirées, parfois même que pour quelques milliers de dollars en héritage?  Que de récits d’horreur n’entend-on pas, comme si certains perdaient la tête dès que il y a de l’argent en jeu!  Imaginez maintenant que, de votre vivant, vous ayez à partager plusieurs dizaines ou centaines de milliers de dollars entre vos enfants et vos proches?  Pensez-vous toujours que «ça ne change pas le monde»?
     Qu’un individu gagne, c’est une affaire, mais que se passe-t-il lorsqu'un groupe de personnes remporte plusieurs millions?  Celle situation est d’autant plus percutante lorsque, en plus, cette manne s’abat sur une petite communauté.  On peut assister alors à une multitude d’interactions entre, d’une part, les membres du groupe de gagnants et, d’autre part, tous ceux et celles qui ont un lien quelconque avec les gagnants (liens qui peuvent être multiples si une sœur, un père et le meilleur ami font partie des gagnants)...  Si on se fie à tout ce qui peut se passer à la suite du décès d’un parent, il y a sûrement là de quoi écrire une fresque pleine de tensions.
     Il y a quelques années, la télévision américaine a diffusé un reportage sur une petite communauté du Texas (quelques centaines d’âmes) où une quinzaine de citoyens avait gagné une somme importante (disons 25 millions $).  Le reportage montrait tous les clivages et les disputes intra- et inter-familiaux et de clans qui ont déchiré la communauté.  La conclusion des membres de celle-ci était sans équivoque: si c’était à refaire... ils détruiraient le billet gagnant!
Combien faut-il pour être heureux ?
     On dit souvent que l’argent ne fait pas le bonheur, même si on pense que ça aide tout de même un peu!  Ce qui est vrai, puisqu’on peut difficilement être heureux si on ne mange pas à sa faim tous les jours et si on n’a pas un toit sur la tête...  C’est d’ailleurs l’une des grandes motivations pour laquelle nous travaillons: s’assurer à tout le moins une existence confortable.  Mais est-ce qu’être plus riche nous rendrait nécessairement plus heureux?
     Voilà la grande question qu’à peu près tous nous nous posons, en se disant que, quoi qu’il en soit, disposer d’un peu plus d’argent ne nous ferait tout de même pas de tort.
     Serions-nous véritablement plus heureux si nous remportions ce million?  Au fait, combien faut-il pour être enfin heureux?



Par : Claude Lafleur en collaboration avec Diane Prud'homme
Sur : claudelafleur.qc.ca