Chroniques

LA PLUME DU FAUCON

Vous trouverez ici plusieurs articles traitant principalement des tendances sociales reliées à la vie de couple. M. Leblanc est chroniqueur pour divers journaux et magazines et son style d’écriture a beaucoup fait parler de lui. Sujets chauds, saupoudrés d’humour, il aura bonne plume pour chacun des lecteurs.

CHRONIQUE
Comment transmettre ses biens lorsqu'on est célibataire ? (publiée le 25 mai 2017)
En l’absence de conjoint et d’enfants, vous disposez de plus de liberté pour organiser votre succession. Mais les biens transmis à des neveux ou amis sont lourdement taxés. Des moyens permettent de réduire la facture.

"J’y ai pensé lorsqu’à la suite du décès accidentel de mon frère, sa succession a été répartie entre sa femme et ses deux fils, explique Géraldine, 62 ans. D’un coup, je me suis rendue compte que, célibataire sans enfants, j’ignorais ce qu’il adviendrait de mes biens dans une telle situation. » Une prise de conscience qui, un jour, est susceptible de concerner les quelque six millions de Français sans conjoint ni descendance. « Désigner des bénéficiaires implique des choix, et l’éventail des possibilités est très large. Les notaires sont souvent conduits à aider leurs clients à exprimer leurs pensées, pour comprendre ce qu’ils souhaitent vraiment », observe Christian Lefebvre, président de la Chambre des notaires de Paris.
Qui hérite en l’absence de testament d'un célibataire


Il est bien sûr possible de ne rien faire ! Lorsque l’on n’a pas rédigé de testament, la succession est recueillie par les membres de la famille suivant leur degré de parenté, comme le stipule le Code civil. S’agissant d’une personne sans conjoint, ni enfants, la progression s’établit comme suit : ceux qui viennent en premier sont le père et la mère, recevant chacun un quart de la succession, les frères et sœurs se partageant la moitié restante. 
S’il ne reste qu’un seul parent, les frères et sœurs reçoivent les trois quarts de la succession et, si les deux parents sont décédés, la totalité. En l’absence de frères et sœurs, les parents reçoivent chacun la moitié. Ils ont aussi la possibilité, au nom du « droit de retour », de reprendre les biens qu’ils avaient donnés à leur enfant, dans la limite du quart de la succession.


Sans héritier au niveau des parents ou de la fratrie, la succession est divisée en deux parts égales, une moitié pour le côté paternel, une autre pour le côté maternel, l’héritage allant au parent le plus proche, d’abord aux grands-parents et arrière-grands-parents, puis aux oncles et tantes, puis aux cousins germains et issus de germains. Dans chaque ordre, les enfants d’héritiers décédés prennent la place de leurs parents. Sans parents au-delà du sixième degré (six générations entre le défunt et l’héritier en passant par leur ancêtre commun), l’héritage revient à l’État.
« Il arrive que ces règles recoupent l’ordre de transmission qu’on avait prévu, ce qui pourrait dispenser de rédiger un testament, note Jean-François Sagaut, notaire à Paris. Mais cette solution oblige les héritiers à se partager eux-mêmes le patrimoine, ce qui peut être une source de conflit. » La solution ? « Faire un testament permet de répartir soi-même les biens : les meubles à mon frère, les tableaux à mon neveu, etc. »
Le testament ouvre aussi la possibilité, en l’absence d’héritier réservataire, de s’affranchir de l’ordre de succession légal et de désigner les personnes que l’on souhaite gratifier. Après l’éventuel droit de retour par les parents, « la liberté est totale, sans aucune contrainte d’ordre légal », insiste Me Sagaut. On peut destiner ses biens à ses seuls neveux et nièces, les partager entre un ami et une tante, en transmettre une partie à une association… Et assortir le bien transmis d’une obligation : prendre soin de mes animaux familiers, fleurir ma tombe…

Succession : l’assurance-vie pour alléger la fiscalité
Mais le testament ne change rien à la fiscalité qui frappe lourdement les bénéficiaires. Si la charge est moindre pour les parents et grands-parents, les autres héritiers sont d’autant plus imposés que le lien de parenté est lointain. Les plus mal lotis sont sans conteste les descendants au-delà des cousins germains et les tiers extérieurs. Ils se contentent d’un abattement de 1 594 € et devront régler 60 % de frais de succession sur le solde. Une situation que déplore depuis des années l’association Union nationale des groupes d’action des personnes qui vivent seules (Unagraps).
« En France, le droit des successions privilégie la famille. C’est respectable, mais pourquoi pénaliser un célibataire qui souhaite léguer son patrimoine à des lointains cousins ou à un ami avec qui il a des liens de solidarité, s’interroge Ulla Anderson, présidente de l’Unagraps. Qu’une personne soit mariée ou non, qu’elle ait une descendance directe ou pas, il s’agit du fruit d’une vie de travail et d’épargne. Sous cet angle, aucune différenciation ne devrait se justifier. »
Toutefois, les célibataires sans enfants disposent d’options pour minimiser la fiscalité de leurs héritiers. L’assurance-vie est l’une des plus intéressantes. Elle permet de transmettre son capital avec un régime fiscal privilégié. Le titulaire choisit librement les bénéficiaires, quel que soit leur degré de parenté. « Il peut aussi en changer à sa guise, de façon à s’assurer que les sommes vont bien aller aux personnes qui sont restées les plus proches jusqu’à la fin de sa vie », ajoute Me Sagaut.
Pour un contrat signé avant le 20 novembre 1991, les sommes versées avant le 13 octobre 1998, ainsi que les intérêts produits, sont exonérées d’impôts lors de leur transmission. Les versements effectués après le 13 octobre 1998, sont exonérés jusqu’à 152 500 €, puis taxés à 20 %. Pour un contrat souscrit après le 20 novembre 1991, les primes versées avant le 13 octobre 1998 sont totalement exonérées. Celles versées après cette date le sont dans la limite de 152 500 € puis taxées à 20 %. Celles versées après 70 ans sont exonérées jusqu’à 30 500 €, puis taxées aux droits de succession.

Des donations à utiliser avec précaution
Autre outil fort utile, les donations. « Mais elles doivent être maniées avec beaucoup de précautions, car cela revient à se déposséder d’une partie de ses biens en les donnant de son vivant, prévient Barbara Thomas-David, notaire à Champigny-sur-Marne. L’acte est pertinent lorsqu’on est financièrement à l’aise, mais il peut être dangereux lorsque l’on possède un patrimoine peu important. Un testament se déchire, un don est irrévocable. Il faut toujours penser qu’on peut avoir besoin de cet argent plus tard, pour financer sa vieillesse et éventuellement sa dépendance. »
Les donations, souvent en argent, supportent un régime fiscal calqué sur celui des successions. Leur intérêt réside dans le fait qu’il est possible de les renouveler tous les six ans, le bénéficiaire profitant à chaque fois de l’abattement fiscal. Par ailleurs, la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi Tepa, a amélioré le régime des neveux âgés de 18 ans et plus, quand le donateur n’a ni enfants, ni petits-enfants. Ils peuvent désormais recevoir de leur oncle ou tante un don de 31 865 € en argent, sans le moindre impôt. À deux conditions : le don ne peut être consenti qu’une fois et le donateur doit être âgé de moins de 65 ans pour un neveu et de moins de 80 ans pour un petit-neveu.

Successions et donations : le tableau des abbattements dégressifs selon la parenté
Lien de parenté
Abattement
Taux d'impostion
Parents et grands-parents
159 325 €
de 5% à 40 %
Frères et sœurs,neveux et nièces (1)
15 932 €
35 % jusqu’à 24 430 € et 45 % au-delà
Oncles et tantes, neveux et nièces, grands oncles/tantes, petits neveux/nièces, cousins germains
7 967 €
55 %
Autres membres de la famille ou sans lien de parenté
1 594 € (2)
60 %
(1) Dont le parent héritier est mort ou a renoncé à la succession. (2) Uniquement pour les successions.

Succession : prudence avec la résidence principale
Dans bien des cas, le patrimoine se limite à la résidence principale. Si celle-ci est transmise dans la succession, la fiscalité est telle que les bénéficiaires, s’il s’agit de parents lointains, sont souvent contraints à la vendre pour acquitter les droits. La solution consiste à transmettre partiellement le bien de son vivant. « S’agissant du logement qu’on habite, le schéma le plus courant est celui d’une donation en nue-propriété avec réserve d’usufruit », conseille Me Sagaut. Le donateur peut rester dans les lieux jusqu’à son décès - voire les louer pour financer son séjour en maison de retraite.

Ce type de donation supporte une fiscalité intéressante si on l’enclenche sans trop attendre : les droits de mutation sur la nue-propriété sont réduits de 35 % si le donateur est âgé de moins de 70 ans, mais de seulement 10 % s’il a de 70 à 80 ans. Là aussi, les notaires recommandent la plus grande prudence. « Le donateur perd une part de la maîtrise sur son logement, rappelle Me Thomas-David. Il ne peut vendre qu’avec l’accord du nu-propriétaire et doit s’accorder avec lui sur la répartition des charges. » Sans oublier que cette générosité peut réserver de mauvaises surprises. « Il arrive qu’un tiers, devenu nu-propriétaire, s’avère moins bienveillant qu’on le pensait », insiste Me Sagaut.
Autant de raisons qui poussent certains notaires à conseiller, lorsque c’est possible, une solution combinant legs sur un bien et assurance-vie. Les droits à payer par l’héritier sur la transmission du logement peuvent ainsi être totalement ou en partie financés par le versement de l’assurance-vie au décès du titulaire du contrat.

Transmettre à une association
 Léguer tout ou partie de son patrimoine à une cause est un geste généreux… et qui peut permettre une exonération de droits de succession. Mais une telle action doit se préparer. Première précaution, ne pas rester dans le vague (« Je donne à la lutte contre le cancer »), mais indiquer le nom précis et les coordonnées de l’organisme. Il convient de s’assurer que celui-ci est bien habilité à recevoir un legs, une donation ou à être bénéficiaire d’une assurance-vie.
Cette faculté est réservée aux associations reconnues d’utilité publique, aux unions agréées d’associations familiales, ainsi qu’à certaines associations simplement déclarées ayant pour objet le culte, l’assistance et la bienfaisance, la recherche médicale, le financement d’un parti politique. Le mieux est de prendre contact avec l’organisme, pour s’assurer que l’utilisation des fonds correspond à ce que l’on souhaite. Et éventuellement de demander que le bien transmis soit affecté à une action précise.

En savoir plus
- Service public : http://vosdroits.service-public.fr
- Conseil supérieur du notariat : permanence téléphonique « Notaires Infos » au 0 892 011 012 (0,34 €/min depuis un poste fixe) et www.notaires.fr
- Union nationale des groupes d’action des personnes qui vivent seules : Maison des Associations, Boîte 14, 181 avenue Daumesnil 75012 Paris. www.unagraps.org et unagraps@gmail.com.

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Par : inconnu
Sur : dossierfamilial.com